Véronique Michel est la fondatrice du site MyTravelPass, plateforme qui a pour objectif de recenser tous les sites touristiques de France et de permettre l’accès à une billetterie en ligne simple et rapide.
C’est après un début de carrière à Paris en tant que salariée que Véronique a pris la décision avec sa famille de partir monter une entreprise en Dordogne. Elle a ainsi géré une hôtellerie de plein air pendant 15 ans, puis, après avoir observé des besoins non satisfaits dans le domaine touristique, dont elle est passionnée, et a décidé de se lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale.
Sa détermination et son tempérament en font une chef d’entreprise dynamique et fonceuse, dont l’énergie est communicative.
Bonne lecture ! 🙂
Bonjour Véronique, pouvez-vous me raconter votre parcours ?
Après avoir fait des études qui me destinaient au secteur bancaire, j’ai commencé à travailler, en 1980, dans une banque à Paris. Je m’y occupais d’un service d’import-export. J’ai grandi au sein de cette agence puis je suis arrivée au siège social de la banque, toujours à Paris, en tant que responsable des engagements d’entreprise. J’ai fait ce travail pendant 22 ans, période au bout de laquelle j’ai senti avoir fait le tour de ce que j’aimais faire. En fait j’arrivais à un point où cela ne me plaisait plus et je ne supportais plus vraiment la routine métro-boulot-dodo qui faisait que je voyais peu mes enfants. Avec mon mari, nous avons donc tout quitté et nous avons acheté une hôtellerie de plein air en Dordogne, près de Sarlat.
Pourquoi avez-vous choisi ce coin en particulier ?
C’est une région où nous allions en vacances avec les enfants et nous avions eu un coup de cœur. On s’était dit que si un jour nous montions une activité professionnelle en province, ce serait en Dordogne. De plus, nous ne voulions pas aller en bord de mer donc nous avons choisi ce territoire, qui compte le plus grand nombre de sites touristiques après Paris.
Vous aviez donc déjà en tête une idée d’entreprise en province ?
Oui, quand j’étais encore employée, l’aventure entrepreneuriale commençait à me titiller ; j’avais besoin de grandir à travers un domaine différent et de connaître autre chose. Mon mari, qui travaille dans le secteur du bâtiment, de la plomberie-chauffage, était responsable dépanneur dans une grosse boîte à Paris et avait l’intention de se mettre à son compte une fois arrivé en province. Nous avons donc cherché pendant deux ans une hôtellerie de plein air à reprendre et nous sommes arrivés dans un petit village qui s’appelle Villefranche-du-Périgord, où nous avons trouvé un camping à taille humaine. Nous ne voulions pas reprendre une grosse structure car nous n’avions pas particulièrement beaucoup de moyens, donc nous étions contents de trouver cela. Surtout, nous avons trouvé dans ce village une grande convivialité et un accueil très chaleureux. Reprendre ce lieu pour ce petit village était un apport touristique très important, et de voir un jeune couple avec des enfants arriver qui ouvraient le camping de 2 à 7 mois avec 3 enfants en bas-âge qui rempliraient l’école était important. Nous nous sommes donc installés dans ce camping. Il nous a fallu deux ans pour monter le dossier avant de finaliser notre achat puis nous avons tout remis à plat, recréé, car il n’y avait presque plus rien, juste quelques petits habitués. On a tout refait et on peut dire que c’était notre bébé. On a remis sur pied ce petit camping qui avait deux étoiles quand on l’a acheté, on l’a développé pour faire le double d’emplacements et on l’a revendu l’année dernière avec 4 étoiles, 15 ans plus tard.
Pourquoi aviez-vous cette idée en particulier ?
On voulait faire autre chose, travailler au contact de la nature, et avoir un petit peu plus de temps disponible pour nos enfants. Aussi, nous étions anciens campeurs, on avait une caravane, on aimait beaucoup cela. Dès qu’on partait, on allait dans des petits campings et on aimait bien discuter avec les dirigeants. Ils nous racontaient leur vie et l’idée a trotté dans nos têtes. On avait eu au préalable l’idée de faire des chambres d’hôtes et finalement ça n’a pas marché car notre business plan était compliqué. On s’est donc dit que si on voulait travailler dans le tourisme vert, on devrait acheter un camping. Nous nous sommes donc orientés vers cela et on a vu qu’on y arriverait et qu’on aurait une vie plus cool. Cela étant, on ne se rendait pas vraiment compte du travail mais l’essentiel était de voir nos enfants grandir, contrairement à Paris.
Et vous avez tout de suite expérimenté ces changements de style de vie ?
Oui tout à fait. Déjà, nous avons reformé une famille, se voir tous les jours 24h sur 24 change complètement. On a pu voir grandir nos enfants, les emmener à l’école, avoir une vraie vie de famille comme on en rêvait à Paris. On s’est investi dans notre métier, dans la reprise de ce camping, et ça nous a tout de suite plu. J’ai une âme de commerciale, je vais de l’avant, vers les autres, donc l’accueil du village s’est très bien passé. On est allés vers les personnes et commerçants et on a eu un très bon retour. Les villageois nous ont aidés, on a vu un effort qui nous a touchés donc on s’est vraiment investi. On a construit notre clientèle, qui appréciait de tout trouver dans ce petit village, et ça nous a plu pendant des années. Je me suis éclatée là-dedans !
Vous l’avez donc revendu après ?
En fait, je me suis personnellement beaucoup investie au sein du village et, la deuxième année, je suis entrée à l’Office du Tourisme, au sein du conseil d’administration en tant que trésorière. J’aime tous les sites touristiques et l’histoire, et la Dordogne, comme je le disais, est le département le plus touristique après Paris donc c’était riche et je pouvais approcher les sites, comprendre les problématiques de leurs dirigeants et j’aimais beaucoup ce que je faisais. Je suis ainsi devenue présidente de l’Office de Tourisme et il y a 5 ans le maire m’a demandé si cela m’intéresserait de faire partie du conseil municipal. Je suis donc devenue marie adjointe de ce petit village, et je le suis toujours. Aussi, j’étais présidente de l’association des commerçants et à côté du camping, je gérais l’activité de mon mari qui s’était installé à son compte. J’avais donc beaucoup de casquettes.
Votre mari s’occupait donc du camping avec vous ainsi que de son entreprise ?
Oui, il s’occupait du camping le matin de bonne heure en saison pour mettre la piscine en route par exemple, ensuite j’étais seule avec les employés, et il revenait déjeuner avec moi. Le soir, après ses chantiers, on gérait les choses ensemble. Il ne faut pas croire que le métier de dirigeant est de tout repos ! C’est très enrichissant, cela m’a donné une autre maturité. On rencontre énormément de personnes, on crée des liens même si ce n’est pas de l’amitié, c’est très enrichissant. En revanche, en saison dans ce secteur, de juin à septembre, on travaille 17h par jour, 7 jours sur 7. Et quand c’est fermé, on n’est pas en vacances, on travaille à l’intérieur, on apporte des améliorations. C’est donc très prenant et au bout de 15 ans, j’ai eu envie de me concentrer sur le secteur du tourisme qui est ma passion.
Parlez-moi donc de votre nouvelle activité !
Pendant les années du camping, les clients qui venaient chez moi disaient que c’était le deuxième office de tourisme ! J’avais presque toute la documentation, et j’adorais renseigner les clients sur ce qu’ils pouvaient faire. Malgré cela, ils avaient toujours des questions récurrentes, ils me demandaient notamment souvent si les sites avaient une billetterie en ligne donc j’appelais pour eux et je m’occupais de la réservation. Ils me demandaient aussi si c’était intéressant pour les enfants en bas-âge, s’ils pouvaient emmener leur chien, etc. Et en fait je me suis aperçue qu’il n’y avait pas tous ces renseignements sur les sites et quand on regarde au niveau de la France, très peu de sites ont des billetteries en ligne. Ensuite, si vous décidez de faire un voyage en France, il suffit d’être sur deux régions différentes pour devoir aller à la pêche aux informations sur plusieurs sites, car il n’y a pas de plateforme qui regroupe toutes les activités touristiques de plusieurs régions, ça n’existe pas. Un site peut être référencé sur Digistick ou la Fnac, mais vous n’aurez pas énormément d’informations et pas l’ensemble des sites répertoriés. Je me suis donc aperçue qu’il y avait beaucoup de petits sites touristiques qui avaient du mal à se faire connaître. Ils éditent des flyers, mais quand les touristes arrivent, ils n’ont pas l’information avant à moins de faire énormément de recherches. J’ai donc commencé à réfléchir de plus en plus à cela et un an avant de revendre mon entreprise, je me suis rapprochée de la Chambre de Commerce de Périgueux où je suis allée voir le directeur du service de reprise et création d’entreprise, Laurent Sanvoisin. Je lui ai expliqué ce que je souhaitais faire et nous avons fait une étude de marché grâce à laquelle nous avons la confirmation qu’il n’y avait pas de plateforme généraliste pour recenser tous les sites touristiques, y compris les plus petits. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. J’avais des fonds pour me lancer et j’ai été encouragée par Monsieur Sanvoisin. J’ai fait des Speed Tests auprès de la Chambre de Commerce de Bordeaux devant des personnes qui avaient des startups, pour voir si de l’extérieur le projet était recevable car quand on est le nez dans le guidon, on ne voit pas tellement l’expérience, et on doit connaître le réel besoin.
Ça a été évident pour vous de construire ce projet après la revente de votre première entreprise ?
Oui, c’était une évidence de faire ça. Un an avant de revendre le camping, j’étais déjà sur mon étude de marché et je contactais déjà des sites pour leur demander ce qu’ils pensaient de mon idée.
Le temps de revente du camping a pris presque un an, c’était de toute façon impossible de mener les deux projets de front. Il fallait aussi des fonds pour mettre en place ma nouvelle entreprise donc j’attendais la revente pour pouvoir vraiment le mettre en route, mais je commençais en parallèle.
Comment cela a-t-il démarré alors ?
A la fin de mon premier Speed Test à la Chambre de Commerce, tout le monde a dit que c’était un projet innovant, même si c’est une forme d’annuaire au final. Mais comme je le dis souvent, Booking a commencé comme ça, d’autres également, et ils sont devenus des références. Je savais que ça allait être long car il faut savoir qu’il y a plus de 44 000 sites touristiques en France, sans compter les autres formes de tourisme, comme les original expériences qui ont de plus en plus la cote auprès des touristes par exemple ou les sites naturels, les plus beaux villages de France, les bastides du Sud-Ouest, etc. La France est riche de sites touristiques et c’est un chantier énorme que j’ai entrepris, mais c’est quelque chose de passionnant. Après mon premier Speed Test, j’ai convaincu mes interlocuteurs puis fait un deuxième speech devant des investisseurs, car j’ai dû faire une levée de fonds de 300 000€. J’ai mis personnellement 60 000 € et je suis la seule actionnaire de ma société. A l’époque, comme mon site internet n’était pas en ligne, les investisseurs privés n’ont pas voulu venir. J’ai obtenu un prêt bancaire car une banque m’a suivie tout de suite – en 15 jours, ils m’ont donné un accord de prêt -, une subvention de la région et un crédit d’honneur du Réseau Initiative. Je ne suis pas informaticienne, je ne peux pas faire un site internet moi-même, donc j’ai demandé à un webmaster de Bordeaux de le faire. Il a commencé le site en juillet dernier, il a été mis en ligne en septembre. Cette partie a été le plus gros budget. Ensuite, il a fallu récupérer la data, des fichiers, créer la charte graphique, louer des locaux, et constituer une équipe.
Évidemment, aujourd’hui, on continue à faire du développement sur le site, on s’adapte aussi aux sites internet des sites touristiques, certaines choses viennent petit à petit. On a aussi lancé une application pour iOS et Android, sur laquelle on retrouve tous les sites qui sont géolocalisés autour de vous.
Pour l’instant, nous couvrons à peu près 70% de la France, à la fin de l’été, nous aurons l’ensemble du pays. Il y aura différents formats de fiches par site, du minimum d’informations à la possibilité de réserver des billets en ligne, selon la formule choisie par le lieu.
Mon but est vraiment de valoriser la richesse culturelle et patrimoniale du territoire.
Qu’est-ce que vous tirez comme conséquences de toutes ces années d’entrepreneuriat ?
L’entrepreneuriat n’est pas un long fleuve tranquille ! Il y a beaucoup d’embûches. Il y en a forcément moins si vous avez beaucoup de moyens, mais si vous êtes un jeune entrepreneur qui débute c’est compliqué. Il faut toujours aller chercher des informations pour diverses questions et problématiques. C’est vraiment important de se rapprocher de professionnels. Grâce aux Chambres de Commerce, on a la chance d’avoir des renseignements plus adaptés, mais il faut se tenir informé.
Dans l’hôtellerie de plein air, par exemple, ce qui me frustrait, c’était qu’il y avait toujours de nouvelles normes et c’était vraiment usant. C’est le cas dans de nombreux secteurs. Ensuite être une entrepreneure, c’est autre chose car parfois on a l’impression qu’on ne nous prend pas au sérieux en tant que femme. Heureusement que les mentalités changent, car on a de plus en plus de femmes entrepreneures qui ont su tirer leur épingle du jeu, il faut s’affirmer et montrer que l’on peut faire aussi bien que les hommes et parfois même mieux ! On a un sens de la gestion et on sent les choses venir différemment.
Est-ce qu’il y a des choses que vous avez apprises sur vous ?
Plus jeune, j’étais assez timide, je ne peux pas dire que j’étais très avenante au sein de mon premier poste, mais en vieillissant on s’améliore. Quand j’ai dû me positionner en tant que gérante de ma première entreprise, je devais aller vers les gens. Au départ, c’était compliqué et puis ça s’est amélioré. Maintenant, ce nouveau projet, c’est ma troisième vie professionnelle et je m’éclate ! J’ai trouvé ce que je voulais faire, je n’ai pas la pression de la clientèle de camping, qui est aussi un peu exigeante, car on l’est tous quand on est en vacances. Je n’ai donc plus cette pression des clients chaque jour et je peux gérer les choses comme je le souhaite. Aujourd’hui, je fonce, je ne me pose plus de questions. Je sais m’entourer de personnes qui me donnent de bons conseils, et je fais ce que j’ai décidé de faire. Je n’hésite pas à pousser les portes ou à téléphoner à des personnes influentes. Pour moi ce sont des personnes comme les autres, si demain je dois aller voir Monsieur Juppé, maire de Bordeaux, j’irai, ce n’est pas un souci. Je suis très bien dans ma peau et ça compte beaucoup, quand on n’a pas peur des autres. Il faut aussi savoir dire non et quand on a tout ça, tout est réuni pour y arriver. Je ne suis évidemment sûre de rien, peut-être que dans un an ce sera un bide, mais au moins j’aurai mis ça en place et j’aurais essayé.
Est-ce que vous avez eu des moments de doute, de stress ?
On en a toujours un peu, et il faut s’adapter. J’ai basculé mon modèle économique en voyant que certaines choses ne se déroulaient pas comme prévues. Mais je ne dirais pas que je suis stressée, c’est plutôt que je réfléchis beaucoup et que je me remets en question.
Vous avez l’impression de prendre soin de vous ?
Aujourd’hui, je suis à Bordeaux pendant la semaine et je rentre chez moi le week-end, donc mon rythme est assez intense. Mon entreprise est comme mon bébé, je suis passionnée, alors je travaille beaucoup. Je m’octroie quelques pauses quand même. Je fais aussi partie du club des entrepreneurs et de l’association FCE-Femmes Chefs d’Entreprises de Bordeaux qui m’apporte beaucoup car je rencontre d’autres femmes chefs d’entreprises. Il y a peu, il y eu une réunion sur le bien-être du chef d’entreprise et nous l’avons faite dans un grand SPA pour prendre soin de soi, on a fait de la sophrologie etc. C’était super. Ça m’a fait du bien, mais je ne prends pas trop le temps, pas autant que je le voudrais. Ma priorité est mon activité, mais je suis consciente qu’il faut que je prenne soin de moi. Cela dit, je fais des séances de cryothérapie une fois par semaine, pendant 3 minutes, j’adore ! Je suis boostée et cela m’aide à dormir après. Mais ça reste quelque chose d’occasionnel. Je pourrais m’occuper davantage de moi au quotidien. Le week-end, je déconnecte vraiment quand je rentre et cela me fait beaucoup de bien.
Enfin, quels conseils donneriez-vous à un futur entrepreneur ?
Tout d’abord, si la personne a un bon projet mais pas encore lancé, il est vraiment indispensable de s’entourer de personnes très compétentes. Personnellement, pour ma troisième activité j’ai été bien entourée, mais quand on a repris le camping on ne l’était pas et ça nous a fait défaut. Il faut aller voir les chambres de commerce, ne pas hésiter à voir un bon comptable, un juriste éventuellement pour voir si c’est un projet abouti, car certaines personnes se sont lancées et au bout d’un an elles ont dû arrêter car elles n’avaient pas pensé à des détails très importants. Maintenant on peut avoir accès aux renseignements presque gratuitement, c’est important de prendre le temps de faire ce travail. Ensuite, si on est seul et que l’on doit investir de l’argent, il ne faut pas hésiter à aller chercher du capital risque ou faire des levées de fonds car ça part très vite. Là je dois en faire une seconde, car avec 300 000 € on ne va pas loin. Enfin, je conseillerais de ne pas rester seul même si le projet mérite de l’être, ne pas hésiter à aller vers les autres. On a besoin de communiquer, de ne pas rester sur soi, communiquer même quand l’activité est lancée. On a toujours des doutes et c’est bien d’en parler à des personnes qui ont le même statut que vous, qui ont les mêmes problématiques. On se rend souvent compte qu’on a tous les mêmes. Enfin, il faut prendre soin de soi, ne pas hésiter si on a le temps et les moyens, d’aller au spa, de faire quelque chose de relaxant ou de faire des sorties, ne serait-ce qu’aller voir un film, le temps de penser à autre chose.
Merci Véronique !
Pour découvrir MyTravelPass, c’est par ici : https://www.my-travel-pass.com/