Thomas Barret a fondé The Morning Company, une marque d’accessoires pour « réenchanter le matin », fabriquée par des artisans français.
Thomas a une vision de l’entrepreuneuriat qui sort un peu des codes habituels et inspire notamment par les leçons qu’il continue d’apprendre jour après jour et la place qu’il accorde à la qualité de son expérience.
Bonne lecture ! 🙂
Bonjour Thomas, peux-tu me raconter ton parcours, celui qui t’a mené jusqu’à The Morning Company ?
Je m’appelle Thomas Barret, j’ai bossé 8 ans dans diverses entreprises, des grosses et des petites, de L’Oréal à MyLittleParis, à des postes de marketing et de commercial, et j’ai décidé en janvier 2015 que j’allais lancer une marque de luxe souriante fabriquée par des artisans français.
Au départ, ce n’était pas formulé aussi clairement. Je n’ai aucune connaissance du luxe à la base, ni des artisans, ma seule sensibilité est sur les contenus, donc c’était quand même un peu tiré par les cheveux.
J’avais envie de créer quelque chose qui me ressemble, qui me fasse marrer. Le luxe, c’est quelque chose qui me fascine car il y a des enjeux en contenu qui sont bien différents du mass market. C’est l’histoire et la façon de raconter qui comptent plus que le prix ou la guerre commerciale. Le côté souriant, c’est parce que je voulais essayer d’apporter un peu de vie, notamment sur le digital et le e-commerce ; je voulais essayer de mêler ces deux éléments, luxe et sourire. Et puis l’artisanat français, c’est parce que d’abord c’est plus facile de commencer à bosser avec des gens dont tu partages la langue, quand tu ne connais pas bien le sujet, et puis il y avait une conviction aussi un peu patriotique, mais là pour être honnête, j’aurais eu le même sentiment d’accomplissement en faisant du « made in Europe ». J’ai choisi la France parce que les savoir-faire sont excellents et dans le domaine qui me concerne, légitimes, et que je suis très content d’aller manger un aligot quand je vais voir mes fournisseurs, mais j’aurais pu manger des pâtes, ça aurait été excellent aussi !
Ça fait maintenant 2 ans et demi que j’ai lancé The Morning Company et il y a encore un paquet de défis à résoudre, mais c’est une chouette aventure.
Peux-tu résumer ton entreprise en quelques mots ?
The Morning Company, c’est une ligne d’accessoires design fabriqués par des artisans français, et l’ambition de cette ligne d’accessoires, c’est de réenchanter le matin.
Comment as-tu eu cette envie de devenir indépendant et de quitter le monde de l’entreprise ?
J’ai toujours été entre assez et très heureux comme salarié, je ne suis pas en rupture avec le monde du salariat, j’ai beaucoup aimé mes expériences précédentes dans les boîtes dans lesquelles je suis passé et d’ailleurs je suis en contact avec à peu près tous mes anciens collègues ou patrons, en tout cas ceux avec lesquels j’avais des affinités. Cependant, j’ai souvent éprouvé la frustration de ne pas pouvoir m’impliquer sur des domaines qui étaient hors de mon champ de compétences défini dans l’entreprise. Donc quand j’étais commercial, j’avais envie de faire de l’édito et de la créa ; quand j’étais au marketing, j’avais envie de faire du commercial et de la finance ; donc c’est un peu pour résoudre cette frustration permanente que j’ai décidé de devenir entrepreneur, c’est pour pouvoir faire à la fois la compta, ce que j’aime moyennement néanmoins, mais qui est intéressant intellectuellement par moments, de faire le marketing, l’édito, en gros de faire un peu tout.
Comment s’est passé le switch ?
J’ai démissionné, et j’ai commencé à bosser sur ma boîte 4 jours après. Sachant que j’ai eu l’idée un mois et demi avant de partir, donc ça a été un peu au forceps sur les dernières semaines.
Qu’est-ce que tu tires déjà comme leçons au bout de ces 2 ans et demi ?
Les leçons, c’est compliqué !
Ce que j’en tire, c’est que je suis hyper heureux de cette expérience, que j’ai très peu souffert d’être seul, que j’ai rencontré énormément de gens, appris probablement beaucoup de choses, mais je ne suis pas encore au stade du bilan théorique sur mon apprentissage de l’entrepreneuriat. Surtout, je pense que le point principal, c’est que ça me permet de creuser des domaines qui m’intéressent de manière totalement libre, du coup je me suis découvert des centres d’intérêts que je n’aurais probablement pas eu le temps de me laisser découvrir si je n’avais pas monté ma boîte.
Comme quoi par exemple ?
Comme le personal branding qui est un sujet assez fascinant sur lequel je suis en train de construire une formation et de la donner avec un cabinet de formation spécialisé dans les soft skills ; comme ce que la science peut apporter au monde du travail, donc tout ce qui est analyses et études, notamment psychologiques, qui devraient révolutionner nos façons de travailler mais qui aujourd’hui n’impactent pas parce qu’il n’y a pas eu de relations entre les deux mondes ; et plus largement, l’écriture et l’éditorial, comme j’ai bossé dans les médias, je savais que j’avais une sensibilité, mais là elle s’est avérée plus forte que prévu.
J’ai découvert beaucoup de choses en cours de route et je ne les aurais jamais découvertes si j’avais été un salarié dans le droit chemin.
Et le fait d’être seul, ça a été une évidence au départ ?
Non, ça s’est fait comme ça. Soit j’attendais de trouver quelqu’un, ce qui pouvait ne jamais arriver et je ne me lançais pas, soit je me lançais et je me laissais l’opportunité d’accueillir quelqu’un, m’associer avec quelqu’un en route, ce qui ne s’est pour l’instant pas présenté. Je suis parti en me disant je suis seul et je vais m’entourer, et si je trouve un associé, ce sera tant mieux. Et pour l’instant, je ne l’ai pas trouvé.
Mais je suis toujours bien entouré. J’ai à la fois des points d’ancrage avec qui je discute du projet, la FrenchLuxe* par exemple est un des éléments du contexte puisque je discute avec les entrepreneurs pour avoir leur avis aussi sur mon projet. Il y a plein d’avis compétents, il suffit de savoir les trouver, les mobiliser. Ça compense en partie le fait de ne pas avoir d’associé.
Je suis convaincu qu’un associé n’arrivera que par hasard, je ne fais pas de démarche active parce que je n’y crois pas beaucoup.
*FrenchLuxe : LaFrenchLuxe est une association née de la volonté d’un petit noyau d’entrepreneurs du Luxe français partageant une vision et des valeurs communes et désireux d’unir leur force pour nourrir un triple objectif: créer un réseau de compétence, imaginer le Luxe de demain et faire rayonner les pépites du Luxe français. Plus d’infos : https://www.lafrenchluxe.com/
Aujourd’hui, à part le développement de tes centres d’intérêt, quels sont les avantages que tu vois à être indépendant ?
Clairement, la flexibilité. Mais la flexibilité n’a d’intérêt que pour l’usage qu’on en fait. En soi, être libre, c’est un sentiment de satisfaction, mais on peut être libre et faire exactement la même chose que l’on faisait avant. C’est ce que j’ai fait ma première année de boulot, j’ai bossé comme un salarié alors que j’étais libre de ne pas le faire, parce que je n’avais pas pris conscience de cette liberté, et surtout je ne lui avais pas trouvé un usage.
Aujourd’hui, cette liberté, c’est pouvoir bosser d’où je veux parce que ça me permet d’être plus dynamique et ça me met dans différentes configurations en fonction des lieux que je trouve. D’un point de vue efficacité de travail, c’est rencontrer des gens que j’ai envie de rencontrer sans que soit un calvaire à caler dans mon emploi du temps et c’est choisir mes priorités tous les jours, entre The Morning Company et les projets annexes qui me font aussi gagner un peu d’argent à titre personnel.
Cette liberté, c’est tous les jours me demander : qu’est-ce que j’ai envie de faire aujourd’hui, quel est le plus important et comment je le fais ?
Du coup tu as le sentiment d’arriver à profiter de cette flexibilité aujourd’hui ?
Oui, la première année, je pense que j’ai vécu sur mon héritage du salariat, j’ai été très conservateur dans ma façon de travailler. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus flexible, je peux très bien m’arrêter une heure dans la journée pour bouquiner, si je me dis que c’est important que j’avance sur mes réflexions sur le projet science et boulot. Mon interprétation de l’usage de mes heures de boulot a un peu changé.
Est-ce que tu arrives aussi à avoir de la flexibilité pour toi personnellement aussi ? Est-ce que tu fais plus attention à toi que quand tu étais salarié ?
Oui, dans le sens où je vais m’autoriser à faire du sport, car c’est la façon que j’ai de prendre soin de moi. Maintenant, il est même prévu que je m’autorise un cours de tennis par semaine. Donc oui je commence à faire ça, et si je suis épuisé ou si je suis malade, je prendrai évidemment ce qu’il faut comme pause. De manière générale, je crois pas mal au fait de laisser reposer son esprit pour se ressourcer et développer sa créativité. Ma façon de faire, c’est de bouquiner. Globalement, c’est vrai que j’ai une appétence pour les livres qui parlent de façon de travailler donc ce n’est pas uniquement pour le boulot que je les lis, c’est par curiosité intellectuelle et il se trouve que je pense que ça me nourrit globalement. Donc c’est à moitié de la détente, puisque je ne suis pas en train de produire et en même temps, c’est une source d’inspiration. Pour moi, le sport et la lecture sont les deux choses qui contribuent à ma santé intellectuelle en tant qu’entrepreneur. Les rencontres aussi. On est à la limite de l’efficacité professionnelle parce que ce n’est pas strictement rentable en terme de boulot, je ne vais pas sortir de la rencontre en me disant je sais comment vendre 4 accessoires de plus, mais ce sont des rencontres, ça ouvre l’esprit, pas uniquement sur mon business, mais plus largement sur la façon d’appréhender son existence.
On discutait avec un ami l’autre jour du nouveau livre de Tim Ferris sur les titans*, il me disait qu’il voulait le lire parce qu’il y avait un constat partagé par à peu près tous les entrepreneurs à succès qu’ils avaient fait de la méditation, de la peine conscience pour réussir. Moi je ne suis pas hyper fasciné par les pratiques des entrepreneurs à succès parce que j’ai du mal à m’identifier et pour moi la façon d’intégrer une pratique, c’est plutôt de me demander comment ça fonctionne et que je comprenne. Me dire que Bill Gates ou Steve Jobs a fait ça, ça ne me parle pas. Mais si on me prouve scientifiquement pourquoi la pleine conscience permet d’améliorer tes facultés, ça, ça m’intéresse.
*Timothy Ferris : Tools of Titans: The Tactics, Routines, and Habits of Billionaires, Icons, and World-Class Performers. Plus d’infos : https://toolsoftitans.com/
Est-ce qu’il y a aujourd’hui une frontière entre ta vie personnelle et ta vie professionnelle ?
C’est une bonne question. J’essaie de l’établir le plus souvent possible. Ma journée s’arrête physiquement quand je vais chercher mon fils, c’est assez clair comme démarcation. Ça ne m’empêche pas d’y réfléchir dans la soirée, mais je ne me remets jamais devant l’ordinateur sauf cas de force majeure, ce qui arrive très rarement. Mais c’est sûr que c’est une réflexion continue qui tourne en arrière-plan. Je ne bosse pas le weekend donc je pense que j’ai un équilibre de vie qui est pour le coup un peu contraire aux valeurs de l’entrepreneuriat. Si t’es pas sous l’eau en tant qu’entrepreneur, c’est que tu glandes et moi je suis vraiment convaincu que je peux être suffisamment efficace entre 9h et 18h pour ne pas avoir besoin de travailler après et que je suis pas obligé de souffrir de mon parcours entrepreneurial en étant sous l’eau tout le temps. Je pense que je n’en tirerai pas tellement plus et que mon succès n’est pas conditionné au temps que je vais passer dans ma journée à bosser, enfin pas que. Mais tous les entrepreneurs qui sont autour de moi disent tous, très souvent, qu’ils sont sous l’eau.
Est-ce que c’est au moment du lancement ou c’est tout le temps, à partir du moment où on a sa propre entreprise ?
C’est un peu tout le temps. Parce qu’il y a toujours des nouveaux défis. Dans certains cas, ils ont des enjeux majeurs et qui sont très légitimes, mais il y a quand même une posture, qui est liée au fait que l’entrepreneur dort 4 heures par nuit et c’est ça qui fait son succès.
Ci-dessous, une photo postée par Ariana Huffington sur Instagram autour de ce sujet, sur lequel nous revenons dans cet article sur son livre Thrive.
C’est culpabilisant, c’est compliqué. Entre les premiers jours de travail sur ma boîte et maintenant, j’ai beaucoup évolué et je vais encore évoluer parce qu’il y a des choses que je n’arrive pas encore à faire alors que je le devrais mais ça prend beaucoup de temps d’intérioriser ça. Maintenant, le contexte est un peu plus favorable parce qu’il y a plus d’ouverture sur ces aspects-là, mais c’est un parcours intérieur qui est un peu long d’arriver à s’autoriser à faire ce genre de choses, mais c’est encore un peu à contre-courant je trouve. Moi j’ai trouvé une forme d’équilibre, je suis même assez heureux de l’équilibre que j’ai, même s’il y a toujours des choses à améliorer. Mais je vois bien que ce n’est pas hyper classique autour de moi. Je ne considère pas que j’ai la vérité et les autres pas. Je suis content de mon mode de fonctionnement, mais je ne peux pas jurer que ça n’a pas d’impact sur mon entreprise. Il y a des gens qui réussissent mieux que moi en bossant plus donc si on fait une étude statistique on peut dire que plus ils ont travaillé, plus ils réussissent.
Mais il est incontestable, d’autant plus parce que j’ai un enfant et que j’ai toujours placé ma vie de famille en priorité, que je suis hyper content de mon choix, j’ai aucun doute dessus.
Dès le début, j’ai décrété que cette aventure entrepreneuriale était comme le voyage que j’ai fait pendant 1 an avec ma femme : c’est un investissement. C’est-à-dire que l’argent que je mets dedans et le temps que j’y passe, c’est pour vivre un moment exceptionnel.
Pour moi l’aventure entrepreneuriale, c’est le même principe, ça va peut-être me coûter de l’argent – enfin le but c’est que ça m’en rapporte quand même ! – mais au pire si ça m’en coûte, j’ai voyagé dans l’entrepreneuriat pendant 2 ans, 3 ans, x années et ne serait-ce que ça, ça a déjà un prix, et ça vaut déjà l’investissement que j’ai fait.
Du coup si le voyage est pourri, là ça devient compliqué. Donc le pari que j’ai fait, c’est de me dire, je suis assez serein parce que si demain je redeviens salarié, j’aurai perdu de l’argent, j’aurai planté ma boîte, mais fondamentalement, j’aurai vécu 3 années extraordinaires. Le but n’est pas que ça se termine comme ça, mais une fois qu’on est libéré du poids du risque, on est beaucoup plus serein au quotidien.
Ce serait donc envisageable pour toi de retourner en entreprise ?
Oui, je n’ai pas de griefs contre l’entreprise. Mais si je reprends le salariat, il est possible que je veuille reprendre à temps partiel pour pouvoir avoir un équilibre de vie et mener des projets parallèles, mon monde idéal maintenant est plutôt aux 4/5e avec une journée pour écrire un bouquin, pour creuser des sujets qui m’intéressent. C’est vrai que je ne redeviendrai pas le salarié zélé que j’étais qui travaillait 5 jours par semaine et qui finissait à 20h30. Ça, ce n’est plus possible. Après, les boîtes évoluant progressivement, et puis on choisit sa boîte en fonction de ce qu’on veut aussi, je n’exclus pas un jour de redevenir salarié si j’arrive à trouver une forme d’équilibre comme celui que j’ai maintenant.
Tu disais que tu travailles de différents endroits ?
Oui, en grande partie du Numa, je travaille de chez moi, je travaille beaucoup de cafés, en fonction de mes souhaits, de mes rendez-vous, ou de l’ambiance dont j’ai besoin. Si je veux me concentrer et faire une réflexion un peu au calme, ce sera plutôt chez moi, si je sens que la dynamique est un peu moins forte et que j’ai du mal à me mettre dans les sujets, je vais plutôt venir dans des espaces comme ça (comme le Numa où a eu lieu l’interview) où globalement tu sens que tout le monde est affairé et t’as juste envie de te mettre sur ton ordi et de te lancer.
Parfois je bosse debout aussi, ce qui me permet de rester dynamique, notamment après le déjeuner ou des moments comme ça. C’est ça que j’aime bien, de pouvoir choisir la position dans laquelle je bosse, debout, assis, le lieu, en fonction de mes rendez-vous. Parfois, je vais bosser dans des boîtes de potes pour me faire une journée un peu différente. Et c’est vrai que j’apprécie. J’ai hésité à me prendre un bureau, j’hésite toujours, mais en fait je crois que j’apprécie encore plus cette flexibilité.
C’est de cette façon que tu trouves que tu es le plus productif ?
Oui. Après il y a une frustration liée au fait que tu peux pas laisser d’affaires, tu peux pas t’installer, il y a du bien et du moins bien, mais disons qu’a minima, je n’ai pas trouvé un lieu où je peux cumuler dynamisme et concentration. Les espaces de coworking sont très bien, mais ce n’est pas un espace où tu peux être au calme, ou difficilement. En tout cas pas dans la durée et à l’inverse quand on est vraiment trop au calme, on a parfois besoin d’effervescence pour se booster un peu. Le cumul des deux est intéressant et dans du coup le nomadisme je choisis en fonction de mon état d’esprit du moment.
Dans les moments qui étaient particulièrement difficiles au début comme tu l’as mentionné dans ton livre* et ceux qui peuvent l’être encore aujourd’hui, qu’est-ce qui te fait tenir ?
Il y a une chose qui me fait tenir maintenant, c’est la connaissance de moi-même.
Je sais que j’ai des phases, des cycles, notamment à certains moments de l’année, je sais qu’il faut que je ne décide de rien, que je n’en parle pas, pendant 10 jours. Parce que si j’en parle et que je réalise les doutes que je peux avoir dans certains moments de l’année, globalement ça va me revenir après quand je serai sorti de ma phase de doute alors que je sais qu’il faut juste que je laisse passer le moment et que c’est une sorte de blues semi-annuel. Donc maintenant j’attends que ça passe, je ne fais pas de plan sur la comète et surtout je ne prends aucune décision importante à ce moment-là. Après, les autres moments où c’est difficile, à l’inverse, c’est plutôt de la communication, c’est en discuter. Avant, c’était d’écrire. Maintenant c’est en discuter.
*The Morning Challenge, Journal intime d’un entrepreneur, Editions Marabout
Quels sont les projets pour le futur de The Morning Company aujourd’hui ?
Le gros enjeu de cette année, c’est de trouver un levier d’acquisition efficace sur le digital. Donc développer The Morning Company surtout le chiffre d’affaires. L’année dernière, c’était développer la gamme qui était en jeu, cette année je vais tout concentrer sur le chiffre d’affaires, la communication, et puis continuer les projets parallèles qui à la fois me permettent de gagner de l’argent comme les formations personal branding et les cours que je donne à l’ESSEC et à la fois m’intéressent intellectuellement. Et j’ai aussi un projet de vidéo sur ce que la science nous apporte dans notre façon de travailler.
Et à titre plus personnel ? T’as l’impression d’avoir trouvé le bon équilibre qui peut continuer sur la durée ?
Je trouve que c’est un équilibre qui est toujours en déséquilibre, surtout quand on a plusieurs projets. Il n’y a pas d’équilibre permanent, parce que les projets ont des poids qui varient en fonction des époques donc je suis encore en train d’apprendre à bien m’organiser et quel temps allouer à quel projet, c’est un défi permanent. Mon défi pour cette année, c’est d’assumer toujours plus cette décision d’un équilibre de vie et dans les projets professionnels, avec en plus un deuxième enfant qui arrive dans un mois ! Tout ça revient à bien gérer son temps et savoir où sont ses priorités.
Qu’est-ce que tu aimerais dire à un entrepreneur en devenir ?
La chose principale que je retiens de mon expérience, c’est que l’entrepreneuriat est un moment de découverte de soi, que si on n’en profite pas pour prendre le temps de se découvrir, on risque de passer à côté de l’intérêt principal de la création d’entreprise.
Le projet principal est souvent le reflet de ses propres aspirations, mais pas toujours, parce qu’on peut être dans une aventure qui ne recouvre qu’une partie de sa personnalité ou de ses envies, et je pense que c’est un moment où il faut s’écouter, pas dans le sens négatif du terme genre j’ai envie de rester au lit ce matin donc je ne bouge pas !, mais où il faut tester, et comme dit Steve Jobs, avec ses histoires de points* : on ne peut relier les points qu’a posteriori, mais pour relier les points a posteriori, encore faut-il identifier et toucher ces points.
Et moi c’est ça que je trouve hyper intéressant dans l’entrepreneuriat, c’est que ça permet d’aller creuser des sujets, de se découvrir des appétences et parfois des talents qu’on n’aurait jamais découverts si on était dans la voie classique du salariat et c’est ça qui fait la force de l’entrepreneuriat, beaucoup plus que le projet en tant que tel. Donc j’invite à la curiosité dans l’entrepreneuriat, parce que moi c’est une des choses qui m’a le plus enrichi.
*Citation originale de Steve Jobs prononcée lors de son discours à Stanford en juin 2005 : “You can’t connect the dots looking forward; you can only connect them looking backwards. So you have to trust that the dots will somehow connect in your future.”
Vidéo et texte visibles ici : http://news.stanford.edu/2005/06/14/jobs-061505/
Comment vois-tu le futur du travail ?
Ce n’est pas une vision, c’est un souhait, mais c’est déjà un peu ce qui est en train de se passer : c’est que le travail reprenne une position plus relative et plus intéressante. On peut très bien être à fond 9 heures par jour, 4 jours par semaine et faire un boulot formidable, et rien que cela donne un équilibre de vie dix fois mieux, c’est ça le futur du travail et finalement le reste sont des conséquences. Parce que le développement de l’entrepreneuriat, du freelance, de tous ces statuts, il y a des raisons économiques diverses, mais il y a surtout dans le fond un besoin de rééquilibrage, à la fois dans le temps passé et dans le sens qu’on donne au boulot. Je trouve que la tendance est saine, et j’espère que les entreprises l’adopteront parce que salariat a énormément de qualités malgré tout et il faudrait trouver de quoi satisfaire les gens qui recherchent à la fois un meilleur équilibre de vie et plus de sens dans leur boulot et y répondre dans le salariat et pas que en disant que pour ça il y a le freelance et l’entrepreneuriat. Ce serait bien que les deux se mixent un peu parce qu’il y a aussi plein de super choses. J’adore l’entrepreneuriat, mais je pense qu’on a aussi plein de choses à apprendre dans les entreprises. Ça serait dommage d’opposer les deux mondes.
Et que penses-tu des sujets du bien-être au travail ?
Je pense qu’ils sont fondamentaux et que l’entrepreneuriat sera par contre toujours un prophète sur le sujet parce qu’il y a plus de liberté pour prendre ce genre de décisions donc c’est important que l’entrepreneuriat poursuivre cette évangélisation d’un équilibre bien-être/travail. Il y a d’ailleurs encore un peu de boulot à faire en interne dans l’entrepreneuriat. Pour moi c’est évidemment une tendance de fond et c’est ce qui fait, pour être caricatural, que les prochaines générations iront dans le monde de l’entreprise sans trainer les pattes et sans partir tous les 6 mois. Ce sont deux sujets majeurs.
Le bien-être au travail qui est lié à la question du sens, parce qu’on peut avoir le meilleur encadrement, si on fait un boulot sans intérêt ou pour lequel on a zéro appétence, ça ne tient pas et l’inverse est vrai aussi. Mais ces sujets sont hyper vastes, donner un sens à son boulot, ça veut tout et rien dire, c’est hyper subjectif.
Merci Thomas !
Pour découvrir les accessoires de Thomas qui réenchantent le matin, c’est ici :
http://www.themorningcompany.com/