Agathe Audouze est la fondatrice du Café Pinson, qui propose, dans les 3e et le 10e arrondissements de Paris une cuisine bio, healthy et gourmande, et de La Minute Papillon, un site et une newsletter qui offrent des conseils de nutrition et de bien-vivre.
Agathe est intéressée par les sujets de l’alimentation saine, de la médecine alternative et de l’équilibre depuis de nombreuses années. Ses valeurs fortes et ses convictions l’ont guidée pour concrétiser ses projets.
La cohérence, l’alignement et les engagements qu’Agathe cherche à investir dans sa vie professionnelle et personnelle sont une grande source d’inspiration et de réflexions.
Bonne lecture ! 🙂
Bonjour Agathe, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis femme, maman, entrepreneure, et bloggeuse. Enfin je n’aime pas trop ce terme parce que c’est plutôt un site-blog. J’ai 42 ans, j’ai deux enfants, qui ont bientôt 10 et 8 ans. J’ai une vie riche, épanouissante, je me sens très heureuse en tant que femme, en tant que maman, en tant qu’entrepreneure, et c’est un grand bonheur tous les jours.
Surtout, le grand bonheur pour moi, c’est d’avoir porté des projets qui ont énormément de sens, sur lesquels je peux avoir de l’impact, ou en tout cas contribuer, et surtout qui soient incroyablement cohérents avec qui je suis, mes convictions, mes engagements.
Peux-tu me raconter ton parcours professionnel ?
J’ai fait l’ESCP puis l’IFM (l’Institut Français de la Mode) ; j’étais vraiment très intéressée par tous les métiers où il y a de la création, que ce soit dans la mode, les cosmétiques, le luxe, l’art de vivre. C’est pour cela que j’ai fait l’IFM après l’ESCP. Après, j’ai bossé pendant six ans dans une filiale de L’Oréal, j’ai été au marketing pendant trois ans puis ensuite j’ai eu la direction de la marque agnès b. en cosmétiques pendant trois ans également. C’était une super jolie boîte et une jolie aventure où j’ai appris beaucoup de choses. C’était une belle expérience et c’était vraiment très chouette. Ça faisait un petit moment que ça me titillait de monter un projet plus personnel, mais je ne m’en sentais pas encore complètement capable, donc pendant trois ans j’ai bossé chez Nelly Rodi, un cabinet de tendances et de style. Je n’étais pas du tout sur la partie tendances, je dirigeais la partie conseil pour les boîtes de mode et de cosmétiques. Je ressentais que ça aurait pu devenir le tremplin pour aller ensuite vers un projet plus personnel. Je voulais quitter l’ambiance grand groupe pour arriver dans une petite boîte où tu as plus la main, plus les manettes. C’était une super expérience dans le sens où ça m’a permis d’être à une espèce de poste d’observation justement sur les métiers de mode et de cosmétiques et puis clairement c’est de là qu’a germé mon envie de trouver du sens dans mon action.
Après, j’ai eu mes enfants et ça a été ensuite une longue période de gestation avant d’arriver à vraiment créer le Pinson et La Minute Papillon. En fait, il y a eu toute une série de déclics successifs. Déjà le fait de vraiment trouver du sens et que mon action fasse du sens, pour moi c’était vraiment le moteur principal, parce que j’ai des engagements qui sont forts sur le terrain de l’environnement, sur l’écologie, le bio, depuis très longtemps. Donc je voulais réaligner tout ça, et je ne savais pas dans quel sens : je ne savais pas si c’était par la voie associative, la voie politique même, la voie business ou même une voie salariée dans une organisation qui soit en cohérence avec mes convictions, mes engagements. Il y avait un peu tout ce champ des possibles et puis de fil en aiguille, les choses se sont faites. Ça a pris quand même quelques années. En parallèle de ça, la route a commencé à se créer. Je sentais vraiment que c’était autour de l’alimentation, la nutrition. Le premier déclic, c’était la quête de sens, le deuxième déclic a été la maternité. Le fait de manger plus bio, de faire plus attention à ce que moi je mangeais, à ce que mes enfants mangeaient. Et l’autre déclic ça a été au moment où j’ai découvert que j’avais des hypersensibilités alimentaires au blé et aux produits laitiers. Pour moi ça a été un déclic majeur puisque je me suis dit comment ça se fait qu’il y ait des personnes chez qui ça pose des problèmes et chez d’autres pas du tout. A partir de ce moment-là, je me suis vraiment passionnée pour ces sujets, j’ai lu plein de livres, j’ai assisté à plein de conférences, je faisais tous les salons bio, pendant des années, je posais plein de questions à tout le monde, j’essayais plein de trucs, etc. Sur le web aussi, je grappillais des infos dans tous les sens. A l’époque, c’était il y a treize ans, on n’en parlait pas beaucoup en France, c’était assez faiblement médiatisé, et j’ai ressenti le besoin de comprendre, d’apprendre, et de vraiment engranger tout ça. Je pense que c’est pour ça que j’ai eu besoin de ce temps-là pour métaboliser tout ça avant de pouvoir arriver avec un vrai projet construit, solide.
J’avais fait un congé parental et c’était très bien parce que je pense que j’avais besoin de ce temps-là. Je suis passée par une période pas simple à 30 ans qui était assez inconfortable parce que je sentais que je voulais faire des choses, mais je ne savais pas comment, je ne savais pas ce que j’allais faire. C’était un peu un moment d’introspection, je me demandais ce que j’allais faire de ma vie et c’était assez désagréable de passer par cette phase-là. Du coup, je ne pouvais pas mener de front à la fois toutes ces réflexions, les enfants petits et un boulot salarié qui ne me plaisait qu’à moitié. Ça a été très bien que je me pose et que je prenne ce temps-là, de réflexion, de maturation, de métabolisation de tout ce que j’étais en train d’engranger. Pendant toute cette période-là, je me suis passionnée pour la naturopathie – j’ai même hésité à devenir naturopathe – et c’est aussi pour ça que j’ai lu plein, plein, plein de bouquins, vraiment beaucoup. Je pense que j’avais besoin de bien intégrer toutes ces nouvelles notions qui étaient quand même assez nouvelles pour moi, d’autant que je menais de front pas mal de sujets, à la fois l’alimentation, la nutrition, et tous les types de thérapies alternatives, pour lesquelles je me suis passionnée, comme l’aromathérapie, l’homéopathie, la phytothérapie, la médecine chinoise, la médecine indienne, etc. ainsi que les techniques de méditation, de yoga, de gestion du stress, la sophrologie, l’acupuncture… Cela faisait beaucoup de choses à intégrer donc c’est pour ça que cela a mis un peu de temps. Je me rends compte maintenant que je fonctionne comme ça. Cela fait vraiment partie de ma personnalité, je construis dans la durée, je suis une bâtisseuse. Et j’ai besoin d’une période de réflexion avant, pour préparer le terrain afin qu’il soit solide pour la construction.
Comment les choses se sont-elles concrétisées par la suite ?
Une fois que j’ai décidé de faire le truc, c’est un peu en mode TGV ! Je change complètement de tempo. Ce sont des espèces de concours de circonstances, de rencontres, de coïncidences. Les choses se sont faites, je me suis laissée porter dans cette voie. Clairement c’était en train de se dessiner autour de la nutrition, de façon assez holistique parce que inspirée de la naturopathie et dans une voie business. Tout était en train de se mettre en place. Donc ça s’est fait petit à petit et comme j’avais plusieurs idées, je voyais ça comme deux projets, je n’avais pas envie de renoncer ni à l’un ni à l’autre. Le projet prioritaire c’était pour moi l’ouverture des restaurants, j’étais dans cette logique-là, de développement autour d’un projet concret, et le blog en parallèle, qui pour moi était autre chose, que je voyais différemment. Et là aujourd’hui, je suis plutôt à réunir les deux et mettre toutes mes forces dans le même sens. Ça devient un peu schizophrénique quand tu as plusieurs projets et je suis un peu là-dedans parce que j’ai le Pinson, la Minute Papillon, mes projets de bouquins. C’est un projet à part entière les livres, c’est une prise de parole assez différente et ça me tient à cœur, c’est quelque chose que je porte moi plus directement, de façon plus personnelle, mais clairement tout est lié, évidemment. Ce qui est marrant, c’est que j’ai tellement scindé les projets que plusieurs personnes ne savent pas que c’est moi qui suis derrière La Minute Papillon ! Je me suis dit que c’était un peu dommage quand même, j’ai envie de mettre un peu ça en avant du coup.
Quelles ont été les premières étapes de ton entreprise ?
Déjà l’idée était d’avoir un socle, j’avais construit les choses avec des personnes complémentaires. C’est différent aujourd’hui : je suis quasi seule. J’ai un sleeping partner, et c’est très différent entre le point de départ et le point d’arrivée. C’est très bien comme ça, car je pense que je n’aurais pas pu commencer un projet de cette envergure-là seule, j’avais besoin de bosser en équipe, sentir qu’on était complémentaires. Donc ça pour moi c’était une première étape, me poser la question : « avec qui ? ». Et ensuite ça a vraiment été l’écriture de tout le projet. Le premier projet étant l’ouverture du Café Pinson dans le Marais il y a 4 ans et ici – dans le 10e où a eu lieu l’interview – il y a 3 ans. Puis le démarrage concret de recherche de lieux, de recherche d’équipe.
Il y a un moment où les choses sont prêtes et du coup tout déroule.
C’est marrant parce que je l’ai entendu plusieurs fois auprès d’amis entrepreneurs, il y a un moment donné où tout est fluide et ça je l’ai ressenti. La recherche de lieu a été relativement fluide, la recherche d’équipe également. On a ouvert en janvier 2014 et ça a tout de suite cartonné et marché super bien, on a eu tout de suite beaucoup de buzz médiatique, ça a été super et ça a été un soutien énorme. Et après c’est la vie d’un boîte, tu as plein de difficultés, plein de trucs auxquels tu ne t’attendais pas, mais c’est super sympa, l’équipe est super, enfin c’est très porteur. C’est très porteur d’avoir un lieu, un vrai lieu physique et d’avoir une équipe, c’est beaucoup plus concret que quelque chose qui est un peu diffus, virtuel, sur internet ; c’est très marrant. Et du coup ça te donne beaucoup d’énergie. C’est ça que j’apprécie énormément aujourd’hui, c’est que ça me donne beaucoup d’énergie. Je rencontre des gens ici, certains sont même devenus des amis, j’ai fait plein de rencontres, c’est ça qui est super.
Donc aujourd’hui tu travailles d’où ?
On a un tout petit espace de coworking dans une agence mais qu’on utilise relativement peu et moi à titre personnel, je préfère bosser dans les Pinson. De temps en temps je bosse de chez moi quand j’ai besoin d’être un peu au calme, mais généralement j’aime vraiment beaucoup être dans les lieux, être auprès de l’équipe, goûter régulièrement, parce que c’est quand même très important, c’est notre cœur de métier. J’aime vraiment bien cela.
Du côté stratégique, tu travailles seule ou tu as une équipe ?
Il y a eu un changement dans l’organisation il y a quelques temps et j’ai éprouvé le besoin de bien reprendre en main les process, quitter le côté un peu start-up où tout est fait à l’arrache pour mettre en place des choses plus structurées, d’entreprise. Aujourd’hui, on a une vingtaine de personnes, qui sont essentiellement des équipes opérationnelles, en salle, en cuisine. Et ce que j’ai voulu faire, c’est me constituer une petite équipe de collaborateurs proches avec lesquels je peux échanger donc j’ai une personne qui est un directeur opérationnel qui s’occupe vraiment de faire tourner la boutique pour s’assurer que tout se passe bien. C’est vraiment super avec lui, c’est mon interlocuteur premier. Il y a une personne qu’on a embauchée depuis juin qui s’occupe de la partie traiteur car on a une activité en plus de BtoB avec laquelle on fait beaucoup d’événements. On travaille pour beaucoup de marques qui cherchent de la bonne cuisine, pas guindée, un peu sympa et qui corresponde à certaines attentes. Ce sont souvent des événements presse, dans la mode. Beaucoup de marques veulent ce type de cuisine qui n’a pas la même énergie qu’un truc très standardisé.
Aujourd’hui, comment gères-tu ton temps entre tes diverses activités ?
L’équilibre se fait dans le déséquilibre en fait. Le Pinson occupe le plus de mon temps, clairement, c’est 90% de mon temps, le blog un petit peu, mais ça dépend. Là, on a fait une refonte du site web donc ça m’a un peu plus occupée, et après les bouquins ça dépend. Et puis il y a les enfants, ma vie en dehors du boulot.
Justement, est-ce que tu arrives à prendre soin de toi aujourd’hui avec toutes ces activités ?
Globalement, oui. En ce moment, un peu moins, je dors moins bien, je fais moins de sport, parce que c’était un peu intense ces derniers temps. Mais en général oui, j’arrive à trouver une forme d’équilibre. J’arrive à distiller un peu de sport, beaucoup de méditation. J’aime beaucoup investir des plans de conscience un peu différents, j’ai une vie spirituelle très active. Je fais de la méditation vraiment tous les jours, et je fais des saunas, une à deux fois par mois pour détoxifier. Je fais des massages aussi. Pour moi ce n’est pas du tout superficiel, c’est vraiment profond, ça permet de rééquilibrer les énergies. J’arrive plutôt bien à prendre soin de moi avec toutes ces méthodes et je continue beaucoup à me nourrir sur tous les sujets. Moins aujourd’hui sur les sujets d’alimentation, santé, bien-être, beaucoup plus sur les terrains de développement personnel – je n’aime pas du tout ce terme d’ailleurs – mais j’ai besoin de me nourrir sur ces sujets-là. Donc je lis beaucoup de bouquins, je continue à regarder beaucoup de chaînes YouTube. C’est quelque chose que j’ai beaucoup investi depuis 3-4 ans, tout ce qui est communication non violente, sur un plan plutôt spirituel et ça c’est très important pour moi de continuer à nourrir cette partie-là de ma vie, parce que c’est clé.
Est-ce que tu sens que tu es libre, que tu es vraiment maître de ton emploi du temps ? Est-ce que tu profites de ce qu’on imagine être la liberté de l’entrepreneur ?
C’est une liberté contrainte mais choisie. Il n’y a pas de liberté sans réelles contraintes, mais c’est une liberté choisie et des contraintes choisies.
Du coup évidemment il faut assumer ou il faut lâcher si ça ne correspond pas, mais ça me va très bien. La plus grande des libertés, c’est la liberté de mon emploi du temps, où je bosse, comment je bosse, avec qui je bosse, ça c’est une liberté colossale pour moi. Après, la liberté n’est pas absolue, pas infinie, elle est contrainte par les lois du business, les lois de la vie familiale, je ne peux pas non plus bosser non-stop. Il y a aussi la contrainte financière, la contrainte d’actionnariat ; tu peux aussi avoir des personnes qui souhaitent que tu leur rendes des comptes, ce n’est pas une liberté… à moins d’être un entrepreneur qui a totalement la main. Après, de façon globale, comme j’ai choisi le projet que je porte, si je veux faire infléchir des choses ou pousser certaines voies, j’en ai la liberté absolue, à moins d’être dans un système d’actionnariat différent, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’autre grande liberté, le luxe même, c’est que je choisis avec qui j’ai envie de bosser. En interne surtout, donc l’équipe, et puis en externe, c’est une liberté qui est géniale. S’il y a des personnes qui n’ont pas la banane, qui ne sont pas super impliqués, positives et responsables, je sais que ça ne fonctionnera pas.
J’ai envie de travailler avec des personnes qui ont une énergie qui soit cohérente avec celle que je souhaite avoir dans ce projet. C’est une forme de liberté.
Quelles sont les leçons les plus importantes que tu as apprises sur l’aventure entrepreneuriale depuis que tu as commencé ?
Très basiquement, le fait que le tempo que l’on peut se fixer n’est pas toujours le même dans la vraie vie.
La grande leçon, c’est que j’ai beaucoup appris sur moi, parce que finalement, quand tu es salarié ou fonctionnaire, tu te retrouves quand même par capillarités à ressembler à l’organisation dans laquelle tu bosses. Et là quand tu t’exposes, quand tu te mets à poil avec un projet que tu portes toi, tu es cent pour cent toi et le projet est cent pour cent toi et donc le fait d’apprendre, d’évoluer dans ce projet professionnel, ça rejaillit sur ma vie privée. Donc typiquement le fait de lâcher prise quand il y a des moments durs – car c’est loin d’être idyllique – il y a des moments de sueurs froides absolues, de stress absolu, de moments où tu te dis « je ne vais jamais y arriver, je ne sais pas comment je vais m’en sortir » et donc dans ces moments-là, c’est un apprentissage énorme de lâcher prise.
Je dirais que s’il y a un truc que j’ai vraiment appris encore plus, c’est le lâcher-prise. C’est de dire qu’on va y arriver, qu’on va trouver des solutions.
Tu as devancé ma prochaine question ! Comment as-tu géré les moments de doute ou de stress que tu as pu avoir et que tu as sans doute encore ?
En gardant la foi, en gardant le cap, en ayant la confiance. C’est la confiance qui fait tout en fait.
Du coup, les deux sont corrélés, il y a aussi la ténacité. Je suis quelqu’un d’hyper tenace et endurante. Ça peut durer longtemps avant que je ne me dise bon je lâche ou je baisse les bras. En fait j’ai appris via ce projet-là que finalement j’avais une immense confiance en moi. Ce que je ne pensais pas du tout avoir et ce que je n’ai pas l’impression d’avoir parce que je suis assez humble et réaliste, factuelle, et en même temps en France on n’a pas trop l’habitude de célébrer les réussites. Le principal apprentissage c’est effectivement d’avoir appris que j’avais une grande confiance en moi. Enfin, ce n’est pas en moi, c’est dans ma vision, dans la vie, dans le fait que je trouverai toujours une solution. C’est vraiment un bel apprentissage. L’autre truc aussi, c’est de se dire que plus tu fonctionnes en réseau, plus effectivement tu peux t’appuyer sur un réseau au moment où tu en as besoin. Et c’est du donnant-donnant, plus tu donnes, plus tu reçois. Tu ne le fais pas pour ça, mais tu te rends compte que c’est un cercle vertueux. Chaque fois que j’ai eu des situations un peu bancales ou un peu compliquées, hop j’avais un retour ou des personnes qui venaient m’aider au bon moment, contribuer au bon moment, donc ça c’est vraiment super.
Quand tu portes un projet de façon sincère avec une forme de générosité, je pense que ça marche. Si tu portes ton projet en toi, ça fait 90% du job, tout ça part d’une démarche engagée et sincère. Et je vois le retour, les gens qui voient ça, qui ressentent ça.
Est-ce qu’il y a des choses que tu aurais aimé faire différemment ?
Je ne raisonne tellement pas comme ça en fait que c’est compliqué de répondre. Je me dis que les choses se sont faites comme ça. Je ne peux pas répondre à cette question !
Mais accepter que les choses se passent comme elles doivent se passer est une réponse !
Dans cette vie spirituelle, ce sont vraiment mes mantras, tout est parfait et si la vie fait que les choses se sont présentées comme ça, c’est que c’était parfait. Je ne peux pas dire que j’aurais peut-être pu faire autrement, non, les choses se sont faites comme ça.
Comment gères-tu ta relation avec tes employés ?
Au-delà du projet concret, c’était très important pour moi aussi de créer une culture d’entreprise qui soit un peu différente de ce que j’avais pu connaître et de vraiment pousser la logique de cohérence jusqu’au bout. Donc aujourd’hui, ce que j’impulse en terme de culture, c’est à la fois une forte exigence et une culture de l’excellence, autant que possible, et en face de ça, tout aussi important, du respect, du dialogue. Pour moi les deux sont clés. L’exigence, mais pas à n’importe quel prix, et contrebalancée avec une ambiance sympa, respectueuse et plutôt positive. On se marre beaucoup, il y a plutôt une bonne énergie, une bonne ambiance. Pour moi c’est clé de garder ça et en fait après de façon très concrète, j’utilise beaucoup de techniques de CNV, de communication non violente. J’essaie d’être toujours dans une dynamique positive de reformulation, de ne jamais être dans le jugement et de toujours voir les choses de façon positive et bienveillante, c’est comme ça que j’essaie d’impulser les choses. Parfois il y a des coups de gueule, mais globalement, il y a toujours un moment où les choses se détendent parce que ce n’est jamais sur un terrain subjectif, personnel, émotionnel, c’est toujours sur un terrain concret. Je suis contente de réussir à maintenir ça, à maintenir cette volonté d’avoir une culture qui soit positive et respectueuse tout en étant exigeante. C’est un vrai challenge. De me dire que je réconcilie business et éthique et je réconcilie aussi business et respect, ou culture d’entreprise respectueuse et humaine. Et j’essaie, tous les jours !
Mon principal moteur à titre personnel, c’est de me dire autant que possible que je veux pouvoir me retourner en me disant que je ne regrette rien, dit autrement, je veux pouvoir me regarder dans un miroir et me dire que j’ai fait de mon mieux et au plus près de qui je suis.
Et le fait de garder ça en cap, dans ma privée, comme dans ma vie pro, ça me permet aussi de maintenir des espèces de garde-fous qui font que du coup les choses sont fluides.
Avec les équipes, même dans les cas de rupture, les choses se font tellement dans le respect et dans la bienveillance et dans le non jugement, et pas du tout dans quelque chose d’émotionnel que ça se passe toujours super bien. Parfois ça ne matche pas avec quelqu’un, c’est factuel. C’est la vie, c’est comme ça, on apprend, d’un côté comme de l’autre. Et ça c’est vraiment cool parce que c’est vraiment ce que je souhaitais et j’y suis hyper sensible.
Aujourd’hui tu as l’impression que tout ce que tu as construit correspond à tout ce que tu avais en tête ?
Oui, il y a très peu de delta effectivement. Après, je n’avais pas forcément imaginé les choses de façon concrètes. J’ai mis tout en place pour que les choses correspondent à ce que je souhaitais, mais je n’avais pas d’attentes très spécifiques, je n’avais pas de projections. Mais c’est ultra cohérent avec ce que je souhaitais.
Comment tu vois le futur du travail ?
Je crois que le fait de retrouver du sens, de la générosité, du plaisir au travail, quel qu’il soit, qu’on soit salarié ou entrepreneur, est clé.
Et je pense que les jeunes, ceux qui ont 20-25 ans, sont vraiment en train de changer les choses dans cette direction. Je pense que la clé est de retrouver du plaisir dans le travail et ne pas le voir comme une contrainte, comme quelque chose de très transactionnel du type « ok je vais y passer 8 heures et ça va m’apporter tant d’argent ». Pour moi, il s’agit de revenir à l’essence du travail, où il y a l’être et le faire. Du côté de l’être, chacun est libre de cheminer comme il le souhaite et d’être au plus près de la cohérence de son être. Et le faire est hyper important, car nous sommes des êtres qui sont amenés à avancer, à évoluer. Pour moi, retrouver du sens dans le faire, au-delà du terme de travail, est hyper important, parce que c’est ce qu’on fait au quotidien et qui doit nous épanouir et on doit se sentir en cohérence. Il n’y a rien de pire que de se sentir en incohérence, en inadéquation avec ce qu’on fait. C’est ultra difficile, je l’ai vécu à un moment, je sentais ce désalignement et pour en avoir discuté après avec d’autres personnes, ça ne paraît rien, mais quand tu sens physiquement, au plus profond de toi cette incohérence, c’est très désagréable, c’est dur, lourd, stressant et je ne le souhaite à personne. Je sens qu’il y vraiment une volonté de retrouver de la cohérence, du sens, ou au moins d’être au plus près, qu’il n’y ait pas trop de fossé entre les deux, au-delà de la notion de travail, de réconcilier l’être et le faire, ce soit dans un job salarié ou entrepreneurial, et je trouve cela super.
C’est la citation de Confucius, qui dit grosso modo si tu sais pourquoi tu fais ce que tu fais, tu n’auras jamais l’impression de travailler de ta vie.* C’est vraiment ça, c’est se rapprocher au plus près de ça, et effectivement, je n’ai pas l’impression de travailler. Alors oui, évidemment, je travaille, mais je peux travailler 7/7, jusqu’à 1h du mat, comme ça fait du sens pour moi, que ça me fait plaisir, que j’ai l’impression de construire, ça ne me coûte pas.
*Citation originale : « Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie ».
Quel est ton sentiment les questions de plus en plus présentes du bien-être en général et au travail ?
C’est clé, ça rejoint ce que je viens de dire, on ne peut pas construire, si on a des inconforts physiques, des inconforts liés des problèmes de malbouffe, d’obésité, de maladies récurrentes, d’intolérances alimentaires ou des inconforts psychologiques liés à un mal-être, un stress, une incohérence… Je pense honnêtement que le stress et les burnouts sont liés à cette incohérence, à ce désalignement et c’est terrible. C’est très douloureux. Donc le fait de prendre plus soin de soi, de son action, c’est clé, à un niveau de société.
Tu le vois évoluer comment ?
Ça bouge beaucoup, et c’est super qu’il y ait des initiatives au niveau économique, pas que au niveau de la sphère politique qui est malheureusement déconnectée de la réalité. On a du poids justement à notre niveau, quel qu’il soit. Qu’on soit chef d’entreprise, entrepreneur, on a tous cette capacité. Ça peut paraître dérangeant pour les personnes qui rament tous les jours, qui ont des problèmes de budget, mais on a cette capacité de faire infléchir les choses. Le nombre de reconversions que je peux voir, d’anciens avocats qui se lancent dans les cafés bio ou d’anciens juristes qui se lancent dans la permaculture. Je pense ces actions-là peuvent venir de nous tous en tant que citoyens et que l’on peut faire bouger les choses.
Et je crois qu’on fera bouger les choses si on le fait en se regardant déjà soi, en les faisant bouger dans notre propre maison, à l’intérieur et dans notre propre vie. Et c’est en faisant bouger les choses individuellement qu’on fait bouger les choses de façon beaucoup plus large.
Je trouve ça génial de voir toutes ces initiatives, il y a de chouettes initiatives, dans la voie associative, dans la voie business, de façon plus large, à l’international aussi, beaucoup. Les choses changent vraiment. Et je le vois par rapport à il y a 12 ou 13 ans, quand je commençais à manger plus bio, sans blé, à faire du yoga, on me prenait pour quelqu’un de sectaire ou pour un ovni et je le vois aujourd’hui, ça s’est beaucoup plus diffusé, de façon massive. Prendre soin de soi, aller vers des techniques thérapeutiques un peu alternatives, manger différemment, s’intéresser aux techniques de gestion de stress, au yoga, à la sophrologie, ça bouge beaucoup, et c’est clé pour construire la société de demain.
Ça ne sert à rien de faire bouger les choses de façon éloignée de soi, il faut faire déjà bouger en soi et ça je pense que l’état d’esprit bouge énormément.
Merci Agathe !
Pour aller découvrir la carte du Café Pinson, c’est par ici : http://www.cafepinson.fr
Et pour faire un tour sur le site de La Minute Papillon, c’est par là : http://laminutepapillon.net/