Damien Douani a cofondé FaDa, agence de conseil en accompagnement numériques des entreprises et des hommes.
Damien est passionné depuis toujours par les nouvelles technologies. Ce sont ses convictions et intuitions qui l’ont poussé à devenir indépendant après une décennie dans le salariat. Il cumule aujourd’hui plusieurs activités qui mêlent ses passions et ses compétences, incarnant un des nouveaux profils émergents dans notre nouvelle économie du travail.
Bonne lecture ! 🙂
(Crédit photo : Genaro Bardy)
Bonjour Damien, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Damien Douani, j’ai 42 ans (l’âge idéal pour un geek !), je suis entrepreneur, explorateur digital, slasher*, bref j’aime bien faire plein de choses ! Je suis patron d’une boîte de conseil depuis 7ans, j’ai plusieurs activités à côté, autour de tout ce qui est dans le domaine de l’innovation et du digital : je fais des conférences, des livres, des émissions télé, sur des sujets divers et variés.
*Slasher est un terme utilisé pour désigner des personnes qui cumulent plusieurs activités professionnelles. Si vous souhaitez en lire davantage sur le sujet, nous vous recommandons de jeter un œil aux tweets de Slashe/rs : https://twitter.com/slashe_rs
Comment en es-tu arrivé à avoir toutes ces activités différentes aujourd’hui ?
J’ai peur de m’ennuyer, donc c’était plus drôle d’en faire plein ! J’ai toujours fait plein de choses, parce que je suis un passionné, j’aime mettre les sujets les uns à côté des autres en parallèle. J’ai toujours peur de rater quelque chose donc je les fais en parallèle comme ça j’arrive à tout faire ;
Tu souffres de FOMO* ?
(Rires) Un peu peut-être ! Honnêtement, je me dis qu’il y a tellement d’opportunités et de choses à faire, ce serait dommage de passer à côté. Mais je me soigne ! A une époque, c’était dans tous les sens, aujourd’hui je me donne des axes.
J’aime bien faire plusieurs choses en même temps, pour assouvir mes passions et mes envies.
*FOMO signifie « Fear of missing out » ou la peur de passer à côté d’informations dans notre monde surconnecté. Pour en savoir plus : https://www.wikiwand.com/fr/Fear_of_missing_out
Peux-tu me raconter un peu ton parcours ?
J’ai un chemin assez atypique, parce que, depuis gamin, j’ai toujours eu plein de passions assez marquées autour des technologies, des médias, etc. D’un point de vue éducation, je suis économiste de formation, mais ça ne suffisait pas donc j‘ai fait une école de commerce en spécialisation technologique, puis je suis devenu responsable innovation chez Orange. J’ai fait plusieurs entités d’innovations, j’ai mis en place plein de projets, je suis allé partout dans le monde, j’avais des équipes en Asie, aux USA, bref plein de choses diverses et variées. J’ai fait ça pendant 10 ans, j’ai profité de ces années pour apprendre des choses, notamment des méthodes de créativité. J’ai passé une formation de formateur animateur, j’ai fait un diplôme à l’Université de Paris 5 sur tout ce qui est créativité et technologie liées au leadership puis je suis parti de chez Orange. J’ai passé aussi un diplôme à l’ESSEC, en média et digital, et j’ai rejoint une start-up dans laquelle j’étais le directeur marketing et communication du groupe. C’était une entreprise qui faisait des réseaux sociaux d’entreprise donc plutôt BtoB et c’est là que je me suis rendu compte que les entreprises ne se rendaient pas compte de ce qui était en train de se passer en termes de transformation digitale. Je me suis dit que ce serait peut-être intéressant de les accompagner. C’est là que j’ai monté ma petite structure qui est toujours la même qui s’appelle FaDa Social Agency. FaDa signifie « faire aimer le digital autrement ».
Au moment où tu as fait ce master à l’ESSEC, il se passait quoi dans le digital ?
Il y avait particulièrement une préoccupation autour des médias, et le sujet qui me passionne depuis des années est l’évolution au sens large des médias, qui, à mon avis, à un moment vont converger. Comme le sujet me plaisait, je me disais que ça pouvait être intéressant de le traiter parce que j’ai toujours l’impression qu’il me manque quelque chose au niveau compétences. En fait je suis allé faire cette formation pour deux choses. J’avais envie de me prouver que je pouvais le faire, j’avais envie d’avoir le nom d’une grande école, histoire de cocher la case, c’est très psychologique ça, et aussi parce que j’avais envie de rencontrer des gens. Cette formation m’a permis de rencontrer énormément de gens venant des médias, de la radio, la télé et la presse écrite, qui se posaient plein de questions sur ce qui allait se passer. J’étais la seule personne venant du digital, qui s’intéressait à leur domaine à eux. Finalement ça ne m’a pas amené à travailler là-dedans car il y a eu des évolutions budgétaires de crise, qui ont fait que les boîtes ont reporté leurs investissements, mais ça m’a permis d’apprendre énormément et de poser des pierres sur ce que je fais aujourd’hui.
Et comment tu as ressenti le besoin ou l’envie de devenir indépendant après une douzaine d’années en tant que salarié ?
C’est un peu le hasard, mais pas que. J’étais en start-up, donc je passais d’une grande boîte à une petite, une trentaine de personnes – ce qui n’est pas mal pour une start-up – et en le fait de voir autour de moi des gens, d’être au contact de l’équipe fondatrice de la boite, de les voir fonctionner, d’être auprès d’eux tous les jours, m’a donné envie de monter ma propre boîte. Au-delà de ça, j’avais repéré le fait qu’il y avait un vrai besoin, qu’il allait y avoir un truc autour de ce qu’on appelle la transformation digitale des entreprises. A l’époque, on ne parlait pas de transformation digitale, j’avais appelé ça les mutations numériques. J’ai donc eu l’intuition qu’il y avait quelque chose à faire là-dedans, et la logique a voulu que je me mette à mon compte, et que j’essaie de tenter l’aventure moi-même.
Tu avais déjà imaginé avant que tu serais indépendant ?
Pas du tout, et peut-être que demain je retournerai dans une boîte !
C’est quelque chose qui ne te dérangerait pas ?
Non, mais je pense que si j’y retourne, je serai très exigeant sur ce que je veux, parce que j’aurai des conditions très précises, parce que je sais ce que je ne suis plus capable de supporter.
Autrement dit, si j’y retourne c’est pour leur apporter quelque chose de nouveau et pas pour me contraindre.
Venant de l’extérieur c’est pour leur apporter un vent frais, quelque chose d’un peu différent, et je sais exactement ce que je voudrais et ce que je ne voudrais pas. Donc si j’y retourne c’est ce que je sais que je peux faire avancer quelque chose, en apportant de mon expérience. Ce qui ne veut pas dire que je ne repartirai pas après refaire autre chose.
Et l’idée que tu as eue en montant FaDa, c’est quelque chose que tu pouvais faire uniquement en créant ta propre structure ? Ou tu t’es dit peut-être que je pourrais le faire en allant dans une autre boîte ?
En fait le problème est simple, je l’ai vécu pendant X années, notamment quand je travaillais en innovation et prospective. A chaque fois qu’une idée m’intéressait, j’essayais de convaincre des gens, et soit ils ne comprenaient pas ce que je leur disais car ça n’était pas dans l’ère du temps, soit ils me disaient c’est trop tôt. Conclusion : il y a un moment si ce n’est pas dans le bon timing, soit tu le fais toi-même soit tu attends gentiment et patiemment. Ça peut être casse-gueule de faire soi-même, les deux premières années, j’ai fait des trucs que je n’avais pas vraiment prévus de faire. Je préférais faire de la formation des stratégies digitales, et on me demandait d’animer une page Facebook. Pourquoi pas finalement, et après au bout d’un moment, les choses ont commencé à basculer, car les entreprises ont compris. Il y a une vraie question de timing aussi.
Qu’est-ce que tu tires comme conséquences de ces années, de cette expérience ?
J’en retiens le fait que ce n’est pas facile.
C’est une grande source de liberté, mais une grande source de rigueur aussi.
Ce n’est pas facile tous les jours, surtout quand c’est une petite structure. On est volontairement restés une petite structure, on est deux, parce que le management ne m’enthousiasme pas. J’ai déjà dirigé des équipes de dizaines de personnes et je constate aujourd’hui que j’aime travailler avec des gens qui soit une certaine bouteille, soit qui sont plus jeunes mais à qui je transmets quelque chose. Dans une petite structure ce n’est pas forcément facile d’embaucher, donc on a expérimenté, mais on est restés volontairement petit. C’est parfois une source de frustration aussi car on se dit que si on avait plus de moyens, plus d’envergure on pourrait faire ci ou ça, mais à la fois j’ai la liberté de chasser qui je veux, d’aller à la porte de qui je veux, m’intéresser aux sujets que je veux, c’est génial. C’est inévitablement une expérience hyper enrichissante, notamment par les modes de fonctionnement, comme le coworking, que j’ai vécu depuis le début, bien avant que ce soit la mode. J’ai vu arriver cette tendance, et quand j’en entends parler parfois, j’entends des bêtises qui sont dites par des gens qui qu’elles ne savent pas ce que c’est que de vivre tout ça. Ça peut être à la fois génial, à la fois moins bien, ça va dépend. C’est une vraie expérience à vivre, que de voir ces nouveaux modes de fonctionnement.
Par rapport au moment où tu as commencé, est-ce qu’il y a des choses que tu aurais voulu faire différemment ?
Non pas vraiment. Je pense que s’il y avait un truc qu’on aurait pu faire différemment, c’est peut-être au début – mais ça c’est plus une question marketing – ça aurait été de positionner un peu plus FaDa sur un certain nombre de domaines, pour avoir un peu plus de tractions sur certaines choses, être plus identifiés sur certains sujets.
Aussi, quand on est petit on a tendance à personnifier l’entreprise, ce qui fait qu’à un moment, très souvent, la boite est identifiée à une personne en particulier, et ce n’est pas forcément une bonne idée pour grandir ou donner la sensation d’une boîte.
Au bout d’un moment, il faut essayer de tourner un peu différemment, mettre en avant plutôt la marque, et ce qui va avec, c’est aussi le fait d’outrepasser le fait d’apparaitre comme petit.
Comment s’est faite ton association ?
Je me suis associée avec Fanny, qui est le « Fa » de FaDa (je suis, tu l’auras deviné, le « Da » !). Ça s’est fait simplement, on était ensemble à l’époque, elle s’occupait du pôle digital d’une agence de RP, elle en avait marre et se posait des questions sur la possibilité de faire autre chose, et comme je voulais monter ma boîte, je lui ai proposé de faire quelque chose ensemble. Etant donné que l’on avait des compétences très complémentaires, notamment car elle venait d’agence et moi de chez l’annonceur, on s’est dit que ce serait une bonne idée de lancer ce projet ensemble.
Et aujourd’hui quels sont les avantages pour toi à être indépendant ?
Une grande souplesse, notamment par rapport à ma fille de 4 ans. C’est très pratique si je veux m’arranger pour la voir, pour rester travailler à la maison si elle est malade, même si maintenant ce sont des choses qu’on commence à voir en entreprise, avec le télétravail, etc. Je me souviens il y a quelques années, quand j’étais chez Orange, c’était quelque chose qui n’était absolument pas admis. C’était de la tolérance de la part d’un responsable si on en avait vraiment besoin.
Tu profites donc de cette flexibilité ?
Oui tout à fait, complètement. Comme avantage aussi, je parlais de la liberté, principalement de pouvoir construire un projet professionnel et entrepreneurial comme on a envie de le construire.
La diversité de tes activités, c’est quelque chose que selon toi tu ne peux faire qu’en étant indépendant ?
Je pense que si je voulais le faire au sein d’une structure plus lourde, type entreprise, il faudrait que je le dise dès le début, que je le cadre, et que je m’arrange pour faire en sorte que ça ne vienne pas me pénaliser. C’est vrai qu’aujourd’hui je dose mon travail comme j’ai envie, ce qui peut être à la fois un piège aussi de temps en temps. Le soir, je me retrouve avec l’ordi sur les genoux, en train de travailler, alors que d’autres vont rentrer chez eux et la journée va être finie. Cela correspond bien à mon mode de vie, mais pour d’autres ça peut être gênant. C’est ce que j’appelle le flou des frontières. Je vais peut-être rentrer chez moi à 17h un jour car j’ai une course à faire, puis je vais reprendre mon ordinateur, travailler 1h ou 2, c’est vraiment du travail mais pas dans les conditions de travail. J’aime cette liberté, cette flexibilité.
En termes de lieux de travail, d’où travailles-tu aujourd’hui ?
J’ai un bureau dans un espace de coworking depuis 6 ans, et vu que je ne suis pas mal en déplacement ça peut être absolument de n’importe où, il suffit que j’aie mon téléphone, mon ordinateur ou une tablette et une connexion internet.
Comment as-tu trouvé ce mode de travail ?
Par hasard. On a cherché sur internet, on cherchait des bureaux car on trouvait ça pas mal de sortir de chez soi, car c’est bien gentil de travailler de chez soi mais au bout d’un moment on tourne un peu en rond, et de multiples tentations se présentent, tiens j’ai la vaisselle à faire, tiens j’ai ceci ou cela donc c’est très difficile de s’y tenir. Rapidement, on s’est dit ce serait bien de sortir, donc on a cherché des locaux et un des premiers espaces de coworking à Paris venait d’apparaitre à coté de République. On a trouvé la formule hyper souple et simple, des bureaux payés au mois, pas trop chers, tout compris, donc on est allés là-bas. On est restés un moment. Puis on a déménagé et on a changé de quartier pour les bureaux en même temps, tout simplement. C’est ça aussi le fait d’avoir une structure légère, ça permet de bouger très facilement les choses. Les cartons, les cahiers, les bouquins, deux ordinateurs et hop c’est plié !
Dans quelles conditions travailles-tu le mieux ? As-tu identifié les moments où tu es le plus productif ?
Ça va dépendre du bio rythme de la journée, mais globalement j’ai constaté qu’à des moments de la journée je suis plus productif que d’autres et que le lieu peut influer. Typiquement, l’intérêt d’avoir un espace de coworking joue beaucoup, tu peux aller dans différentes pièces, avec différentes ambiances, si au bout d’un moment j’en ai marre de mon bureau, je vais peut-être me mettre dans l’entrée sur le canapé avec mon ordinateur sur mes genoux, puis retourner à mon bureau si je dois être dans un mode plus productif et je sais que je suis particulièrement productif après 16h, ou en milieu de matinée.
Et quand tu as monté ta structure et développé tes activités, est-ce que tu as eu des moments de doute ou de stress et est-ce que tu en as encore aujourd’hui ?
Oui bien sûr ! Des doutes sur si je pars dans le bon sens, est-ce que je fais quelque chose qui me plaît ou est-ce parce que c’est dans l’ère du temps ? Est ce qu’il y a une vraie demande ? Parce que j’ai fait ça sur une intuition et pas du tout sur une étude de marché, donc oui il y a eu des moments de stress bien sûr, et des mois plus difficiles que d’autres. Ce sont mes convictions et l’envie de ne pas rester sur un échec qui m’ont fait tenir au début.
Aujourd’hui tu as l’impression que tu es au maximum de la satisfaction que peut t’apporter ta vie professionnelle ?
Je ne dirais pas ça. Je me demande plutôt si je m’amuse encore ou pas et la réponse est oui, je m’amuse encore, même si j’ai l’impression de commencer à tourner en rond dans la structure qui est la mienne. Donc je devrais me donner un nouveau challenge. Je pense à réfléchir à comment réinventer mon activité, tout simplement, pour redonner un dynamisme. En passant soit par le développement de l’activité, soit en changeant de sujet. C’est un peu difficile quand on travaille en petite structure. Le coworking aide beaucoup là-dessus. On côtoie énormément de gens, c’est génial, on se fait des amis, on rencontre des gens avec qui on peut avoir des synergies, donc on peut à minima prendre un café, manger ensemble, avoir une vie et ça fait du bien.
Tu me parles des bienfaits de ton environnement professionnel, as-tu justement l’impression de prendre soin de toi dans cette vie aujourd’hui ?
Paradoxalement pas tant que ça, parce que la contrepartie de la liberté fait qu’on peut travailler énormément. Je ne compte pas mes heures, car je fais quelque chose qui me plaît donc je ne me rends pas compte, d’autant plus que je le fais souvent à des heures déconnectées, découpées. Parfois quand je forme des gens, quand la formation se termine à 17h, ma seconde journée commence, donc en termes de prendre soin de soi, finalement j’ai de la souplesse mais ça ne vient pas en priorité dans ma tête.
Et tu aimerais changer ?
J’ai essayé en faisant du sport mais ce n’est pas évident d’avoir une régularité. C’est pour ça qu’on voit le développement de nouvelles formes d’organisation de travail, avec des offres et des services qui simplifient la vie et pour prendre plus soin de soi, mais quand on ne peut dépendre que de soi-même, parfois, paradoxalement, on peut être amené à moins prendre soin de soi, je pense que c’est une question d’organisation. Parfois que je me dis que ce ne serait pas mal de déconnecter un peu, mais c’est vrai qu’il faut avoir la possibilité et l’envie de le faire. Si c’était plus simplement trouvable, ça me donnerait plus envie, peut-être.
Quels conseils donnerais-tu à un jeune entrepreneur ?
De faire quelque chose qui lui plaît. Il a la chance de faire ce qu’il veut donc autant qu’il fasse ce qui lui plaît. Les entrepreneurs disent souvent qu’ils veulent « changer le monde », cela m’agace énormément. J’ai plutôt envie de leur dire de faire en sorte d’avoir un petit impact en prenant du plaisir dans ce qu’ils font. En général les entrepreneurs qui réussissent ont eu la foi jusqu’au bout, il y a un vrai moteur autour du fait de prendre soin de soi et des autres car ça donne envie de faire plus.
Donc je conseille à un entrepreneur de faire quelque chose qui lui plait, qu’il s’éclate, et que ce soit en alignement avec ses convictions et ses envies.
Tu m’as beaucoup parlé du coworking, comment penses-tu que le rapport au travail va continuer à évoluer ?
Déjà, ce sont des précurseurs de ce qui va arriver dans les grandes entreprises, cet espace de flexibilité. Ce qu’on voit dans les tendances, c’est qu’il y a de plus en plus de métiers individuels, de personnes qui se mettent en indépendant, ce qui à mon avis est une bonne et mauvaise chose, car ça permet de s’exprimer, mais on peut arriver à des extrémités à la Uber avec des entreprises en hyper flexibilité et des dangers. Il y aura des plateformes de travail – c’est déjà le cas, Uber ou Deliveroo préfigurent des modèles plus larges – comme quand parfois les manutentionnaires vont voir si aujourd’hui il y a du boulot sur un chantier. C’est pareil si ce n’est que là c’est une plateforme qui propose du business, vous pouvez rentrer et sortir comme vous voulez, mais c’est une forme d’esclavagisme car ça ne permet pas de gagner suffisamment pour vivre. Je ne suis pas sûr que ce soit tenable dans le temps, mais c’est une des évolutions. A côté de ça, notamment pour les grandes entreprises, on aura un renouvellement de mode de fonctionnement à l’aube d’une numérisation totalement partielle de leurs activités. Autrement dit, quelle sera la place des nouvelles activités industrielle au sens robotique, au sens de l’intelligence artificielle, des données, qui existent de plus en plus, comment ça va venir remplacer les métiers, en augmenter certains. Donc les métiers de type salariat vont évoluer soit par une logique de remplacement soit par une logique d’augmentation, et à côté de ça on va avoir des plateformes de travail qui proposeront des activités sur lesquelles les gens pourront sortir et rentrer, et au milieu de ça, les indépendants qui peuvent se regrouper entre eux, en réseau et faire en sorte d’apporter un volant de flexibilité aux entreprises de manières plus intégrées.
Finalement c’est peut-être spécifique à certains métiers, mais dans les métiers tertiaires qui sont de plus en plus voués à une sorte de virtualisation, dans lesquels on a juste besoin d’une connexion pour travailler, le travail devient extrêmement flexible. C’est ce que je vois, quand je suis dans le train j’ai besoin de mon téléphone pour me connecter et faire travailler pleinement mon ordinateur devant moi donc limite je n’ai pas besoin de bureau. Les frontières disparaissent, et ces frontières il faut les recréer, notamment sur les vies pro et perso. Par exemple, je suis à l’aise pour travailler entre 22 et minuit, si ça n’a pas d’impact sur ma vie perso pourquoi pas, c’est une frontière que je me donne. Mais tout l’enjeu est là, de se recréer une frontière, à l’aune de nouveaux outils qui peuvent faire disparaitre ces frontières. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien – et je pense que c’est une très bonne chose – que dans les grandes entreprises on voit apparaître des chartes sur la déconnexion, je pense qu’elle fait partie du bien-être. Il faut bien comprendre que toute cette souplesse, flexibilité, n’est pas antagoniste avec le fait de se dire qu’il y a des frontières, des zones et des bulles à se recréer. Elles sont complètement différentes de ce qu’on a appris dans le monde du travail issu de la Seconde Guerre Mondiale. C’est là où c’est passionnant. Et le prochain luxe sera la déconnexion et pour moi la notion de bien-être c’est d’avoir le droit de disparaitre.
Justement, pour conclure, que penses-tu de la tendance du bien-être en général et au travail ?
Je pense que c’est une tendance logique et complètement normale. Malheureusement, on en fait un peu des caisses dans le sens où certains vont en profiter pour surfer dessus et dire « vous avez vu comme on est tendance ? » mais sans faire le travail de fond, sans une prise de conscience profonde. Mais à côté de ça, c’est normal et naturel. D’abord, on a un changement du rapport au travail par avec jeunes générations qui est réel, ensuite il faut redonner envie. On a toujours eu cette vision judéo-chrétienne du travail, aller au travail comme à l’usine, au sens labeur, pourquoi ce serait dur ? Je ne dis pas que tout est rose, mais pourquoi ça devrait être comme ça ?
Il y a donc un vrai besoin autour de ça, d’essayer d’améliorer les choses, et je pense que ce n’est pas gadget, et que ça peut apporter de nouveaux modes de fonctionnement, de travail, de cohésion. C’est une excellente chose.
Merci Damien !
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